60 ans après la rétrospective consacrée à Hans Baldung Grien (1484-1545), la Staatliche Kunsthalle de Karlsruhe remet à l’honneur cet artiste à travers une exposition exceptionnelle ! Pour l’occasion, 200 chefs-d’œuvre provenant des quatre coins du monde (Londres, Prague, Madrid, New York…) viennent compléter la collection de la Kunsthalle. Difficile de ne pas être impressionné face à tant de richesse et de diversité !
Hans Baldung Grien est considéré comme un des artistes les plus originaux du XVIème. Né à Schwäbisch Gmünd, il s’épanouit à Strasbourg et se forme dans les ateliers de Dürer à Nuremberg. Dès ses débuts, Hans Baldung Grien fait preuve d’une grande sensibilité, de finesse et d’originalité comme en témoigne son premier autoportrait ouvrant l’exposition. Son œuvre est aussi vaste que variée, mais s’articule essentiellement autour de deux notions : le sacré et le profane. Deux univers qui s’opposent et se mêlent habilement sous les coups de pinceaux de l’artiste, ou encore de crayon ou de pointe (pour les gravures). Les visiteurs sont amenés à entrer dans cet univers singulier rempli de détails tous plus fascinants les uns que les autres. Chaque œuvre nécessite une attention particulière, si bien qu’il pourrait être intéressant de parcourir les salles en plusieurs fois pour ne pas perdre son attention. L’accrochage est justement agencé, chaque parallèle entre les œuvres, chaque propos et chaque contextualisation sont les bienvenues. Il serait complexe de résumer en un article cette exposition, c’est pourquoi je vous propose de partager mes coups de cœur.

L’expressivité des personnages est sans doute l’aspect qui m’a le plus marquée. J’ai rarement été autant bouleversée devant une représentation d’une vierge en douleur. L’artiste a su doser justement la transformations des traits du visage pour suggérer les pleurs sans pour autant le déformer. Les larmes coulent délicatement le long de sa joue, ses yeux rouges sont gonflés et les lèvres tremblantes. Des anges participent à cette douleur, provoquant un véritable sentiment d’empathie.
Dans un tout autre registre, les expressions provocantes et séduisantes des sorcières ne peuvent laisser impassibles. Cette thématique exerce une véritable fascination sur l’artiste (tout comme sur les visiteurs du musée !). Il se démarque de ses contemporains en représentant des femmes systématiquement nues. Ces sorcières sont aussi bien des beautés lascives que repoussantes, naturelles ou accomplissant des gestes obscènes et magiques. Hans Baldung Grien ne s’implique pas dans les débats concernant l’existence des sorcières mais cherche à divertir une élite masculine friande de frissons érotiques.

Hans Baldung Grien, « Crucifixion » (détail), 1512.
Les œuvres d’Hans Baldung Grien sont également empruntes d’humour. Bien que cet aspect ne soit pas forcément visible au premier coup d’œil, il rythme véritablement cette exposition. Plusieurs détails attirent l’œil et peuvent créer un rictus au coin des lèvres des visiteurs : un animal un peu trop expressif, un personnage grimaçant, une personne âgée crachant de l’eau par son nez…

D’autres thématiques, bien que plus sombres mais tout aussi fascinantes, sont abordées, telles que l’eros et le thanatos. La mort et l’amour sont intimement liés : les jeunes filles sont enlacées par des squelettes, la mort frappe les couples infidèles, le côté éphémère de la vie est sans cesse rappelé. Cet attrait du macabre laisse les visiteurs pensifs et perplexes.

Hans Baldung Grien, « Le Déluge » (détail), 1516.
Vous l’aurez compris, cette exposition, d’une grande richesse et diversité, est à ne pas manquer ! Je vous conseille vivement de vous rendre à Karlsruhe avant le 8 mars car admirer tant d’œuvres d’Hans Baldung Grien est une occasion qui ne risque pas de se représenter de si tôt !