Hakumeï : un seul mot qui en dit long. Aube, crépuscule, pénombre, lueur. Autant de possibilités pour regarder les œuvres de l’artiste japonais Mitsuo Shiraishi qui expose jusqu’au 20 janvier prochain à la Bibliothèque centrale de Mulhouse.
Un triptyque a particulièrement attiré mon attention. Il s’agit de la représentation à différents moments de la journée d’une petite cabane avec un toit en tôle au milieu d’un no man’s land et avec pour seule source lumineuse un lampadaire. Ambiance énigmatique et aucun être humain à l’horizon. Et pourtant…
Cet ensemble m’a remis en mémoire le travail de Monet avec la cathédrale de Rouen. À l’époque, l’artiste avait peint la cathédrale à différents moments de la journée : au petit matin, à midi, le soir, au crépuscule et même par temps de brouillard. Monet ne s’attardait pas sur les détails, il posait la peinture par touches et obtenait ainsi des vibrations incroyables. Tout était une question de lumière. À la différence de Monet, Mitsuo Shiraishi s’intéresse aux détails et la technique de l’eau forte et de l’aquatinte l’empêche finalement de poser ses traits par touches. Mais chez lui aussi tout est une question de lumière. Elle est omniprésente.

Curieusement, dans ce triptyque et dans toutes les autres œuvres présentées, la figure humaine n’apparaît nulle part et pourtant elle est partout. Tout dans son absence physique suggère une présence passée ou à venir.
Une autre de ses gravures a particulièrement attiré mon attention. Un lieu exigu apparaît : sorte de douche en plein air, avec une serviette nouée, une étagère sur le côté comme pour poser ses affaires et une ampoule pour voir où on met les pieds. Pourtant, j’y vois aussi une sorte de prison, avec un drap noué, comme si une évasion imminente se préparait… Étrange situation. Ambivalence.

Il y a aussi ces paysages naturels, presque surréalistes où d’un seul coup, comme surgissant de nulle part, on aperçoit un distributeur automatique de boissons. Absurde, humour. L’artiste joue. Il préserve son âme d’enfant tout en ayant un regard adulte sur le monde qui l’entoure.
Mitsuo Shiraishi interprète la nature avec une grande sensibilité. Je sens dans son travail un peu de Bruegel pour l’humour, un peu d’Hiroshige pour la précision et la minutie et un peu d’Hopper pour les ambiances mélancoliques et solitaires.